Déformation de la colonne vertébrale qui se caractérise par une courbure anormale associée à une rotation, la scoliose concerne environ 3% de la population. En évoluant, la torsion entraîne une compression du thorax, puis des poumons. «Une intervention chirurgicale est nécessaire quand l’angle de la courbure atteint 40° ou plus», détaille le Dr Jacques Samani, chirurgien orthopédiste à l’hôpital de la Providence, à Neuchâtel. Ce spécialiste du rachis (colonne vertébrale), et plus particulièrement des déformations de l’enfant et de l’adulte provoquées par une scoliose, explique que cette affection fait l’objet d’un dépistage systématique par les pédiatres. Si une scoliose est détectée, elle pourra être corrigée par une opération en fin d’adolescence, une fois la croissance terminée. Lorsqu’elle est très prononcée, l’enfant se voit prescrire un corset pour limiter la déformation tant qu’il continue de grandir.
Poumons comprimés
Or, dans des régions du monde moins favorisées, la scoliose n’est pas forcément dépistée ou traitée, raison pour laquelle le Dr Samani s’investit depuis trente ans dans des missions de médecine humanitaire (lire encadré). Cet engagement est à l’origine de l’intervention chirurgicale de Phat, un petit Vietnamien de 6 ans, réalisée gracieusement à l’hôpital de la Providence le mois dernier. Une première dans l’établissement privé neuchâtelois.
Phat était atteint d’une distorsion grave du rachis causée par une scoliose fulgurante. La pathologie s’est manifestée quand il avait tout juste un an et a évolué très rapidement. Les examens pratiqués par le médecin sur l’enfant ont révélé une déformation des vertèbres d’un angle de 110°, impossible à corriger au Vietnam. «L’ampleur était telle qu’elle avait entraîné une déformation de la cage thoracique causant une compression des poumons. Son pronostic vital était en jeu, car sa capacité respiratoire était diminuée. Si on ne l’opérait pas, son espérance de vie était limitée.»
Opération de 5 heures
Corriger une difformité aussi importante implique cependant une intervention chirurgicale délicate, rarement pratiquée chez un enfant de 6 ans. D’abord parce qu’en cas d’insuffisance respiratoire, comme dans le cas présent, l’anesthésie revêt une certaine complexité. Ensuite parce qu’elle s’avère très compliquée en raison du risque de blessure à la moelle épinière – c’est-à-dire de paralysie. L’opération consiste à inciser le dos de haut en bas, d’insérer des vis dans les vertèbres et de les relier ensuite à des tiges coulissantes. Grâce à leur mobilité, celles-ci vont pouvoir s’adapter à la croissance de l’enfant. «C’est un matériel très spécifique, dont le développement est assez récent, qu’on trouve en Europe et aux Etats-Unis mais pas en Asie», précise le chirurgien.
L’opération de Phat a été réalisée le 24 janvier dernier par le Dr Samani, assisté par ses collègues le Dr Vincent Villa, chirurgien orthopédiste, et le Dr Ali Sarraj, médecin anesthésiste. L’intervention a été longue, cinq heures pendant lesquelles les chirurgiens ont procédé à l’insertion de onze vis et de tiges coulissantes sur l’ensemble de la colonne vertébrale, une tâche épineuse menée à l’échelle du millimètre.
«En raison de la petite taille des vertèbres – a fortiori celles d’un enfant – la chirurgie de la scoliose est assez compliquée», commente le Dr Villa. Au terme de l’opération, tous les intervenants ont guetté le réveil de Phat avec une certaine impatience, histoire de s’assurer qu’elle avait parfaitement réussi. Ils ont pu être pleinement rassurés: l’enfant est revenu à lui sans complication et après deux jours déjà, il faisait ses premiers pas.
La scoliose a été réduite et son évolution définitivement bloquée. «L’équipe en a retiré une grande fierté», témoigne le Dr Samani. «Des médecins au personnel infirmier, chacun a montré beaucoup d’enthousiasme à toutes les étapes de la prise en charge du garçon».
Après plus d’une semaine d’hospitalisation, Phat et son papa qui l’avait accompagné ont été accueillis par la famille Dich que le Dr Samani avait trouvée en organisant l’intervention. Ils y ont séjourné quinze jours, en attendant que l’enfant ait suffisamment récupéré pour pouvoir effectuer le voyage de retour.
D’origine vietnamienne elle aussi, cette famille s’est beaucoup impliquée dans l’aventure en venant souvent à l’hôpital pour jouer les traducteurs, car père et fils ne parlent ni français ni anglais.
Le 17 février, ils ont pu rentrer au pays. Mais Phat continuera de bénéficier du suivi du Dr Samani, qui prévoit de le revoir lors
de deux missions médicales humanitaires qu’il effectue chaque année au Vietnam.